J’ai récemment vécu une super expérience de studio d’enregistrement à l’ICP de Bruxelles (Belgique). Avec les “home studios”, le passage par les studios d’enregistrements coûteux se fait plus rare. C’est pourtant un vrai plus pour la production de vos chansons. Avec une bonne préparation et une bonne organisation, vous rentabiliserez très rapidement votre investissement, à la fois en temps et en qualité. Voici 10 conseils pour réussir votre session dans un studio d’enregistrement.
- Les arrangements
La toute première étape a été de finaliser les arrangements. Alex, le chanteur, est venu me voir avec une vingtaine d’idées de chansons. Parfois très basiques comme une suite d’accords qu’il aimait bien et parfois plus développé avec une ligne de chant, du texte et plusieurs parties qui s’enchaînaient déjà. Si vous aimez composer, je vous invite à aller lire mon article comment écrire une chanson en 9 étapes faciles. Nous avons travaillé sur les 20 chansons en essayant de leur donner une chance à chacune! Certaines nous inspiraient plus que d’autres. Nous en avons gardé une dizaine et nous avons décidé d’y consacrer toute notre énergie. Voici un extrait des prémices de la chanson “Far away” :
Ce travail d’arrangements préalable est essentiel à la réussite de votre projet. Vous allez déterminer comment la chanson démarre, sa structure, les différentes parties et comment elles s’enchaînent, s’il y a des solos, un fingerpicking particulier, des moments instrumentaux, clarifier les lignes de chant, le texte et comment les chansons se terminent. Ce que j’ai particulièrement apprécié pendant ce travail c’est que nous n’avions pas d’ordinateur. Juste deux guitares. Lorsque nous étions confronté à un problème, la solution se trouvait dans la ligne de chant ou dans l’accompagnement guitare. Impossible d’aller essayer un synthé, un break batterie, des violons pour solutionner le problème. Certains vous diront que le travail d’arrangement et la production d’une chanson sont liés mais dans ce projet-ci, clairement orienté guitare acoustique (Ben Howard et Nick Drake étaient de grosses références), j’ai adoré travailler sur les chansons pour qu’elles fonctionnent déjà guitare/voix. Cela présente deux gros avantages. Le premier c’est que pour défendre ses chansons l’artiste n’aura pas besoin de plus qu’une guitare acoustique. C’est un vrai plus lorsqu’on démarre car cela permet de s’insérer facilement en première partie d’un autre artiste, de proposer un set acoustique de 30 minutes sans avoir besoin de musiciens et de pouvoir chanter une chanson en promo radio ou télévision. Deuxièmement c’est super chouette de démarrer la préproduction sur des chansons déjà arrangées. On peut enfin tester cette idée de cordes qu’on avait depuis le début, ce groove batterie, cette ligne de basse. Les titres ont besoin de très peu pour prendre instantanément une belle allure.
2. La pré-production
C’est ultra, méga important d’avoir une idée claire de la direction artistique des titres, une vision sonore du projet et de travailler avec des références. Une bonne pré-production, avec des sonorités proches du résultat escompté, les bonnes structures, les bons textes, le bon tempo vous feront gagner 2 à 3 fois plus de temps les jours d’enregistrements. Vous pourrez communiquer facilement avec vos musiciens et ingé son en leur faisant écouter vos références, en leur expliquant clairement ce que vous attendez d’eux, de leur son, de leur jeu. Avec des idées claires vous pourrez facilement enregistrer jusqu’à 6 titres par jour. Pour cela tout doit être bien préparé. Vous devez avoir les grilles d’accords, les lignes de basse, les groove batterie, les riffs de guitare. Évitez d’ouvrir des pré-productions qui ne sont pas convaincantes, vous voulez donner une bonne impression à l’équipe et leur transmettre une bonne énergie. Gardez ces projets sur le côté, continuez à les travailler à la maison et proposez-les lorsqu’ils seront plus aboutis.
3. Choisir un studio et une configuration
La configuration live est la plus belle configuration qui existe. Vos productions seront organiques, imparfaites et pleines d’émotions. C’est aussi la configuration la plus complexe à mettre en place. Ce n’est pas évident de réunir tous les musiciens au même moment et de leur donner les partitions avec la structure finale de la chanson. Un bon compromis consiste à enregistrer les rythmiques en live. Basse, batterie et pourquoi pas les guitares. C’est la configuration que j’avais choisie et en visitant les studios ICP j’avais une demande très claire : il fallait que nous puissions enregistrer 3 instruments en live. C’est donc le studio B qui nous a été conseillé. La batterie dans une pièce, la basse dans la control room et la guitare acoustique dans une autre pièce. Le tout avec des vitres qui permettent aux musiciens de se voir et des fenêtres qui apportent de la lumière du jour.
4. Montez votre équipe
Choisissez des musiciens chevronnés. Pour mes albums j’ai travaillé avec des amis musiciens en me disant que l’ambiance dans le studio allait être plus sympa qu’avec des mercenaires. Je me suis trompé. J’ai passé énormément de temps à recaler leurs prises et ça m’a coûté plus cher que si j’avais fait appel à des vrais pros du studio. C’est un vrai métier musicien de studio et si tout le monde s’arrache les meilleurs ce n’est pas pour rien. Pour cette session j’ai eu la chance de réunir Nicolas Fiszman à la basse et Philippe Entressangle à la batterie. Leur réputation les précède et plusieurs connaissances avaient déjà eu es expériences positives avec eux. Je savais que c’était un bon choix. Tout cela s’est confirmé lorsque le travail a commencé avec eux. Philippe Entressangle m’a demandé de lui envoyer les préproductions pour relever les structures et se faire une idée de la direction artistique. Nicolas Fiszman, qui était en tournée au Canada avec Francis Cabrel lorsque je l’ai appelé, préférait découvrir les chansons au studio, le jour des enregistrements. Il peut compter sur son oreille à toute épreuve et une capacité à mémoriser les structures très rapidement. Pendant les sessions ils ont joué les morceaux sans fautes et m’ont régulièrement proposé de très bonnes idées, tout à fait alignées avec la direction artistique du projet. L’exécution était parfaite et ils furent très créatifs ! Après les enregistrements j’ai récupéré les sessions pro tools pour refaire quelques guitares à la maison et j’ai pu voir à quel point leur mise en place était solide. Vraiment le voir dans les sessions, avec les grilles du tempo et la basse et la batterie calées dessus. C’est vraiment impressionnant et ça vaut le coup de dépenser plus d’argent pour faire appel à des mecs d’un si bon niveau.
Choisissez un ingénieur du son qui est habitué à votre style de musique. Dans le cas de cette session j’ai fait appel à Erwin Autrique. Je connaissais son travail avec Benjamin Biolay et Vanessa Paradis. Je savais qu’il avait enregistré le premier album de Louise Attaque, qu’il avait aussi travaillé avec Renaud et Cyril Mokaiesh et ça faisait longtemps que j’avais envie de travailler avec lui. Ses compétences techniques sont impressionnantes au niveau de la prise de son, il connaît les studios ICP par coeur et il est vraiment sympa. En plus c’est un vrai motard qui roule toute l’année! Nous avions donc des atomes crochus. C’est également Erwin Autrique qui a mixé les chansons. Je savais que c’était un métier mais là j’ai vraiment compris qu’il y avait des mixeurs bien meilleurs que d’autres. Erwin Autrique en fait partie. Ses mixes ont sublimés les chansons à un point que je ne pensais pas possible. Mon plus grand regret est de n’avoir pas travaillé plus tôt avec lui.
5. Établissez un planning
A la fois pour les arrangements, la préproduction, le studio et les réenregistrements. C’est important d’être précis, d’avoir des délais à tenir. C’est la loi de Parkinson. Si vous prévoyez un mois pour faire quelque-chose, vous mettrez un mois. Si vous prévoyez 3 jours, vous mettrez trois jours. Essayez donc de vous fixer des objectifs clairs. Soyez raisonnables mais n’hésitez pas à vous mettre un peu de pression et à raccourcir les délais. Vous verrez que vous y arriverez! En studio commencez par les titres que vous maîtrisez le mieux, le temps d’avoir un rythme de travail et de laisser tout le monde trouver ses marques.
6. Préparez vos instruments
Il y a une pièce aux studios ICP dans laquelle du backline est stocké. Des batteries, des amplis, des pédales, des claviers, etc. C’est la caverne d’Ali Baba ! Tout ce matériel est disponible gratuitement. Philippe Entressangle a utilisé une batterie de l’ICP et Nicolas Fiszman une basse et un ampli. Alex, le chanteur, m’avait prêté deux guitares acoustiques de dingue pour enregistrer ce projet : une Boucher et une japonaise dont le nom m’échappe. J’ai monté des Elixir 0.13 dessus. Je vous invite d’ailleurs à lire mon article comment choisir les cordes de sa guitare. N’attendez pas le dernier moment pour changer vos cordes, vous risqueriez d’avoir un son trop propre. Vérifiez la vis de réglage de la torsion du manche (Truss Rod) qui donne la courbure du manche entre la tête et la jonction à la caisse. Il est possible de faire ce réglage soi-même et ça vaut vraiment le coup d’essayer par 1/4 de tour successifs, ça change souvent beaucoup le confort de jeu. Deuxième point à vérifier : la hauteur de cordes sur les sillets de tête et de chevalet. Là c’est à réserver aux professionnels, qui ne pourront pas le faire directement. Soyez donc prévoyant. Prévoyez également des jeux de corde de rechange, du fastfret pour éviter les bruits de doigts sur les cordes : le fameux “Finger Squeak”. Le revêtement des Elixir pour les cordes acier permet de minimiser cet effet. Se huiler un peu la main gauche peut aider aussi. Lorsque vous entrez en studio votre matériel doit être impeccable et si vous hésitez encore sur le type de guitare qui conviendra le mieux à votre projet je vous invite à lire mon article ici !
7. Établissez vos priorités
La priorité absolue ce sont les rythmiques. C’est pour ça que vous êtes là. Enregistrer les rythmiques (basse/batterie) en live, va donner une dimension professionnelle à votre production. Vous allez également personnaliser votre univers et profiter du talent de vos musiciens pour élever le niveau, accentuer le côté organique et donner une cohérence et une couleur à vos chansons qui n’auront plus rien à voir avec vos démos. Tout ce qui est piano, cordes, guitares, chœurs, etc. peut être fait à la maison, dans votre home studio. Concentrez vous donc sur votre priorité. Si vous pouvez rajouter un instrument aux rythmiques ce sera un gain de temps mais une difficulté en plus à gérer. A vous de voir ce qui sera le plus efficace, si les musiciens seront capables d’enchaîner les prises sans se tromper afin de choisir la meilleure prise, celle qui mettra le plus en valeur la chanson. Pour cela c’est toujours mieux d’engager vos musiciens pour toute la journée. Cela vous permettra d’être bien concentré sur un seul objectif et de ne pas devoir penser aux musiciens qui doivent arriver plus tard. Un journée doit être une journée complète pendant laquelle vous enregistrez les rythmiques avec les musiciens que vous avez engagés. Rien de plus. De nouveau, au plus simple, au mieux. Évitez de vouloir tout rentrer, ça ne fonctionnera pas. Je me permets d’insister car pendant cette session à l’ICP c’est Philippe Entressangle qui a joué les batteries. Philippe était en concert tous les soirs au Cirque Royal avec Zazie. Il devait impérativement quitter le studio à 18h. Je voulais absolument enregistrer avec lui et il n’y avait pas d’autres choix et malgré sa bonne volonté cela nous a fait perdre du temps.
Si vous devez enregistrer des cordes je vous conseille de le faire après. Les structures des chansons risquent de changer pendant les enregistrements des rythmiques. L’arrangeur cordes devra donc recommencer toute son orchestration. Il est très simple d’enregistrer des cordes à la maison et si votre arrangeur est débrouillard il pourra même empiler les couches lui-même. Vous n’aurez pas besoin de payer un quatuor ! C’est Jean-François Assy (Bashung, Christophe, Thiéfaine) qui a écrit les arrangements de cordes. Il est passé à l’ICP pour rencontrer l’équipe et il a ensuite tout enregistré chez lui, tout seul, comme un grand! Et c’était très réussi.
8. Évitez les visites
C’est toujours sympa d’avoir de la visite mais concrètement c’est souvent un peu ennuyant car il faut taper la discute, accueillir les invités, leur proposer un truc à boire, faire écouter, être disponible. Ça bouffe du temps et les conditions ne sont pas idéales pour parler.
9. Cadenassez la logistique
Les journées commencent à 10h et se terminent à 22h. Inutile de préciser que c’est ultra fatigant. Deux jours de suite et vous êtres déjà sur les genoux ! Je vous conseille vivement de bien dormir. On est souvent excités et ce n’est pas toujours évident mais vous aurez besoin de toute votre énergie. Essayer de bien vous hydrater, de manger sainement (évitez les snacks même si ce n’est pas évident). Prévoyez un catering de base pour votre équipe avec quelques bouteilles d’eau, des fruits et des snacks sains !
Si le studio le permet, mangez sur place à midi. C’est super important. On perd un temps fou à aller acheter un sandwich ou à réchauffer un truc dans la cuisine et servir les assiettes. A l’ICP il est possible de commander un repas chaud à midi. C’est très bon, on vous sert à table et vous ne devez penser à rien. S’il y a bien un point pour lequel la dépense vaut le coup c’est celui-là. Quand il y a une pause, c’est pour tout le monde, vous y compris. Profitez-en pour vous changer les idées, taper la causette et charger vos batteries.
10. Les photos et les vidéos
C’est toujours mieux de prendre quelques images car vous pourrez vous en servir en promo. L’idéal c’est de demander à un pro (discret) de passer à un moment. Vous n’avez pas le temps, les journées sont ultra chargées et filmer ou prendre des photos “pro” vous demandera de régler les appareils, changer les cartes, poser les pieds, lancer les enregistrements, les arrêter, décharger la matière, etc. Si vous n’avez pas le budget pour engager un pro ou pas d’amis vidéaste intéressé essayez d’être le plus simple possible. Un seul appareil avec une seule optique qui ouvre bien (vous êtes en studio et il n’y a pas souvent de lumière du jour), un pied et c’est tout ! Utilisez votre temps pour avancer sur votre production musicale. J’avais demandé à Erwin Autrique de prendre son 5d pour filmer. Le matin du premier jour j’ai changé la carte et avec le stress j’ai enfoncé un des pins du boitier. La réparation a coûté plusieurs centaines d’euros que j’aurais mieux fait d’investir en payant un pro!
J’ai réalisé une petite vidéo qui montre un peu l’ambiance de travail :
Voilà mes 10 conseils suite à mon expérience en studio d’enregistrement. Qu’en pensez-vous? Avez-vous d’autres astuces à partager? Dites-le moi dans les commentaires !
Pour contacter le studio ICP : http://www.icpstudios.com
Nicolas Fiszman (basse) : https://www.facebook.com/nicolas.fiszman.7
Philippe Entressangle (batterie) : https://www.facebook.com/philippe.entressangle
Erwin Autrique (ingé son) : https://www.facebook.com/erwin.autrique