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Comment devenir guitariste professionnel? Interview Jean-François Assy

Comment devenir guitariste professionnel?

Jean-François Assy, musicien ayant joué, entre autres, avec Alain Bashung, Daniel Darc, William Sheller, Christophe et Hubert Félix Thiéfaine est passé à la maison le temps d’une interview. Il m’a expliqué comment devenir musicien professionnel et comment il s’est retrouvé à jouer avec toutes ces pointures. Voici la transcription de cet entretien très intéressant :

Olivier JUPRELLE : Qu’est-ce que tu conseillerais à un musicien qui débute et qui veut se lancer comme professionnel?

Jean-François ASSY : Déjà de maîtriser son instrument. C’est le premier truc parce que il y a beaucoup de gens sur le marché qui attendent. Des mecs qui jouent vachement bien en plus !  Après ça il ya aussi un vrai truc de rigueur, du sérieux. Sans être”boring”, tu vois le truc hyper ennuyeux, mais vraiment il faut être sérieux quoi parce que les mecs qui arrivent un peu foufou, “moi je vais tout casser”, parce que je vais révolutionner un machin ouais ça peut marcher mais ça n’a qu’un temps quoi. Les mecs comme ça en général ils passent vite. Si tu veux rester dans le truc il faut être rigoureux parce que c’est là dessus que beaucoup d’artistes comptent aussi en général. C’est pas un secret il y a quand même pas mal d’artistes qui ne sont pas hyper “straight”, qui ne sont pas hyper rigoureux et donc s’ils n’ont pas une équipe autour d’eux un peu solide ça peut vite se barrer en cacahuète.

Olivier JUPRELLE : Alors ça veut dire quoi être rigoureux? Ca veut dire arriver à l’heure aux répétitions? Rentrer directement après le show?

Jean-François ASSY : On peut quand même un peu faire la fête ! Etre sérieux aux répètes, arriver en connaissant les morceaux. Il n’y a pas que ça, il faut amener des choses aussi parce que ne faire qu’écouter un morceau, noter la grille, écouter ce qui se passe, faire une dictée et puis reproduire sur scène le morceau je veux dire il y en a plein qui peuvent le faire. Après c’est plus intéressant aussi de pouvoir dire : tiens, moi j’ai refait ce boulot là mais en plus je peux amener ça est-ce que ça t’intéresse? Si je propose ça, est-ce que ça te va ou pas? Avoir une approche créative et ne pas hésiter à apporter un peu de sa personnalité dans sa transcription. Ne pas être ne pas être vraiment enfermé dans la transcription. Alors tu as des artistes qui diront : “non j’ai mon idée et je veux que ce soit comme ça et pas autrement” et donc à ce moment là tu suis où tu suis pas. Tu peux te barrer aussi, enfin voilà y’a pas de problème mais par contre il y a des artistes qui sont demandeurs de ça. Bashung demandait d’être étonné constamment.

Olivier JUPRELLE : C’est exigeant hein ! Étonnez-moi !

Jean-François ASSY : C’était “étonnez-moi” et en même temps on était les premiers étonnés de bosser avec lui aussi parce que lui aussi parfois avait des idées. On se disait il est fou, ça ne va jamais marcher et puis, au final, en essayant, on se dit “ah oui il sentait bien le truc quand même”! Il fallait être créatif. Un mec comme Christophe aussi aime bien qu’on lui amène des sons. Il est curieux de tout donc il aime bien quand on amène une nouvelle pédale, qu’on lui fait écouter un truc. “Ah ouais j’aime bien, je connais pas ça, c’est cool” !  Si on rentre dans une espèce de routine ça peut vite l’ennuyer quoi. Il faut être rigoureux, être créatif tout le temps. Etre un peu intéressé de tout, écouter un peu ce qui se fait aussi en dehors parce que sinon si tu te mets dans un truc hermétique. Mais tu dis : “ok, moi voilà ce que je peux faire”. Je fais que ça et j’écoute que ça, ça ne marche pas non plus. Il faut rester ouvert quand il y a tellement de trucs qui se font partout maintenant. On a accès à tout aussi donc après faut pas copier mais il faut surtout écouter ce qui se fait, avoir des antennes un peu un peu ouvertes.

Olivier JUPRELLE : Pour se résumer on dirait 1 : il faut bien connaître son instrument.

Jean-François ASSY : Ouais ça je pense quand même oui.

Olivier JUPRELLE : Et moi qui ai déjà eu une expérience aussi de travail de collaboration avec toi, je peux vraiment confirmer que quand Jeff
arrive à une répétition, non seulement il connaît la grille vraiment super bien, et en plus c’est en place ! Le timing est nickel et donc c’est vrai que ça s’est vraiment important pour se lancer là dedans. Je pense que la base c’est vraiment d’être un excellent musicien. Mais comme tu l’as dit ça ne suffit pas.

Jean-François ASSY : En fait le truc c’est… Enfin de connaître le morceau et de pouvoir le reproduire, on va appeler ça la partie technique. Et quand la partie technique est connue alors tu peux parler musique. Mais si tu n’as pas cette partie technique, si tu n’as pas déjà cette base là alors c’est compliqué. Par rapport à la concurrence où tous les autres mecs qui vont se ramener et qui ont un bon niveau. C’est compliqué de passer à autre chose quoi. Moi c’est mon père, qui est violoniste classique, c’est lui qui m’a appris beaucoup de choses et quand j’étais gamin. Il me disait : apprend d’abord la base technique parce qu’après on parle musique et la musique et la technique, l’un ne va pas sans l’autre mais c’est pas forcément exactement la même chose non plus. Il y a des gens qui sont techniquement balèzes mais qui musicalement n’ont rien à dire et donc c’est moins intéressant. Donc il faut pas que ça, il faut la base technique ensuite après tu disais la rigueur quand même, le sérieux de la répétition. Qui fait partie à mon avis de la base technique. Le fait d’être à l’heure aux répètes, savoir gérer ton planning aussi quand tu es appelé par différents artistes.

Olivier JUPRELLE : J’imagine qu’il y a des moments il y a des dates qui arrivent sur le même jour,

Jean-François ASSY : Il y a parfois des dates qui clashent. Là il faut être sérieux aussi par rapport aux gens qui t’ont engagé, etc. Tu ne peux pas être à deux endroits au même moment, donc il faut avoir un agenda quand même assez clair.

Olivier JUPRELLE : Ensuite être créatif, c’est-à-dire ne pas avoir peur de venir avec sa personnalité quand même, donner des idées. Après, rester quand même au courant de ce qui se fait parce que c’est vrai que toi tu travailles beaucoup finalement dans le secteur chanson française. Tu ne fais pas que ça mais la majorité des artistes de haut niveau qui t’appellent sont souvent dans cette sphère de “chansons française”.

Jean-François ASSY : Il y a tout l’international aussi. Tu as a tout ce qui se fait aux Etats-Unis, en Angleterre… Moi je bosse beaucoup en Flandre.

Olivier JUPRELLE : Oui c’est vrai que tu fais ça aussi !

Jean-François ASSY : L’autre partie de la Belgique, au niveau mentalité et culture musicale, ça n’a rien à voir avec notre culture à nous. C’est con mais c’est comme ça.

Olivier JUPRELLE : Ce que je voulais dire par là c’est qu’on t’appelle  pour tout ce qu on a énuméré avant mais aussi parce que tu as tes antennes dans la chanson française et que tu proposes des choses qui sont en raccord, qui sont alignées avec cet univers chanson française.

Jean-François ASSY : Ça reste ma culture!

Olivier JUPRELLE : Tu ne vas pas proposer des lignes ska sur un morceau de chanson française. Ou en tous cas tu l’adapteras de manière à ce que ce soit chouette. Donc moi je suis vraiment d’accord avec ce que tu dis le fait de garder des antennes et de rester connecté à ce que tu fais comme musique et à ce que d’autres proposent.

Jean-François ASSY : Voilà ça fait partie aussi du tout quoi! Ça c’est comme tout. Je pense que le mec qui fait de l’informatique, s’il ne s’intéresse pas aux dernières nouveautés qui sortent, il est vite largué. En musique c’est pareil.

Olivier JUPRELLE : Comment tu as fait pour finalement te retrouver sur ces projets-là, être engagé par ses pointures?

Jean-François ASSY : Ça s’est vraiment c’est au fil des rencontres. Moi j’ai fait le conservatoire classique au violoncelle et donc j’étais plutôt destiné à faire un parcours vraiment très classique. Quand j’ai au 16/17 ans j’ai voulu vraiment sortir de ça parce que je n’en pouvais plus. Je sentais que c’était pas ça qui me correspondait vraiment à fond. Donc j’ai commencé vers 16/17 ans à jouer un peu dans des petits groupes à gauche à droite en sachant que c’était vraiment ça que j’avais envie de faire. Mais bon c’est pas pour ça qu’on y arrive forcément. Et puis moi c’est au fil des rencontres… J’étais très pote avec un ami violoniste qui un jour m’a appelé pour faire William Sheller. Donc là évidemment pour moi c’était la première grosse tournée importante qui sortait évidemment du milieu de la musique classique. Donc j’ai dit oui tout de suite et puis après William Sheller, très vite, j’ai rencontré un autre mec qui s’occupait e Yann Tiersen. Et hop j’ai été engagé avec Yann Thiersen. Et puis j’ai entendu parler que Alain Bashung organisait des auditions pour sa tournée retour, la tournée des grands espaces. Donc j’ai été passer l’audition. J’ai été pris. Après tu rentres dans un milieu, on parle de toi dans ce milieu, ton nom commence à être connu. Via Bashung j’ai rencontré Christophe. Quand il a pensé que ce serait bien qu’il y ait un violoncelle sur scène à côté de lui il a pensé à moi directement. C’est vraiment des rencontres et puis il y a des fois ça se fait des fois ça se fait pas!

Olivier JUPRELLE : C’est donc à la fois le réseau quelque part, le fait de quand même être dans le milieu et de faire des rencontres. Commencer avec un premier projet qui va t’amener à rencontrer d’autres personnes sur un autre projet et puis après le jour où tu fais l’audition pour Alain Bashung, il faut assurer. Donc il faut les deux! De nouveau, il faut la technique et après le réseau mais si tu as que la technique finalement tu va pas refaire de rencontres parce que ça se passe aussi là, ça se passe au bar, tu discutes avec le mec.

Jean-François ASSY : C’est sûr qu’il y a une connexion. Il y a un côté public relation. On ne peut pas être complètement fou fou dans tous les sens. Tu ne peux pas non plus être autiste. Il faut il faut quand même rester ouvert, il faut discuter avec les gens. Puis il y a des gens avec qui ça l’fait puis d’autres avec qui ça passe moins bien. C’est pas grave hein ! Je me souviens, après Bashung, j’avais été faire 2-3 heures chez le chanteur Raphaël. On a passé un très chouette moment. On a fait de la musique ensemble, très cool. Et puis une semaine après il m’a rappelé. Il m’a dit : “ouais mais je crois que finalement ma tournée je vais la faire tout seul”. Pas de problème! On a essayé, c’était cool, on s’est très bien entendu on n’est pas fâché du tout mais ça s’est pas fait. Peut-être une autre fois, peut-être jamais, voilà c’est la vie!

Olivier JUPRELLE : Merci Jeff ! A bientôt. Ciao !

Voici la vidéo de ce très chouette entretien avec un grand musicien :

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